La section qui suit donne une description des obstacles et des possibilités propres à chaque secteur d’atténuation (voir également tableau TS 2).
Bâtiment : les pauvres de chaque pays sont nettement plus touchés que les riches par les obstacles érigés dans ce secteur, en raison de leur difficulté d’accession à du financement, du faible taux d’alphabétisation, du respect des us et coutumes traditionnels et de la nécessité de consacrer une part plus importante de leur revenu pour subvenir à leurs besoins de base, notamment leurs achats de combustible. Parmi les autres obstacles qui touchent ce secteur, mentionnons la pénurie de compétences et les obstacles sociaux, les incitations déplacées, la structure du marché, la lente rotation des stocks, la situation administrative des prix et l’imperfection des informations. La conception intégrée des édifices dans le domaine de la construction résidentielle pourrait aboutir à des économies d’énergie de 40 pour cent à 60 pour cent qui, à leur tour, pourraient se traduire par une baisse du coût de la vie (section 3.3.4).
Les politiques, les programmes et les mesures visant à éliminer les obstacles et à réduire les coûts énergétiques, la consommation d’énergie et les émissions de carbone dans les édifices résidentiels et commerciaux se rangent en dix grandes catégories : les initiatives bénévoles, les normes d’efficacité énergétique des édifices, les normes d’efficacité des équipements, les programmes de transformation des marchés d’Etat, le financement, les achats gouvernementaux, les crédits d’impôt, la planification énergétique (production, distribution et utilisation finale) et l’accélération des activités de R&D. Le financement abordable par le crédit est généralement reconnu en Afrique comme l’une des mesures cruciales pour éliminer l’obstacle des coûts de revient élevés. La piètre gestion macroéconomique qui résulte de l’instabilité de la conjoncture économique aboutit fréquemment à des dispositions financières contraignantes et à des obstacles encore plus difficiles à surmonter. Etant donné que beaucoup des obstacles peuvent être observés simultanément dans la chaîne d’innovation d’un investissement ou d’une mesure organisationnelle visant le rendement énergétique, les mesures stratégiques doivent généralement être prises ensemble pour réaliser le potentiel économique d’une technologie donnée.
Transports : l’automobile est généralement perçue dans nos sociétés modernes comme un élément de liberté, de mobilité et de sécurité, un symbole de situation et d’identité personnelles et comme l’un des produits les plus importants de l’économie industrielle. Plusieurs études ont démontré que les gens qui vivent dans les villes plus compactes à forte densité de population utilisent moins l’automobile, mais il n’est pas facile, même si l’on tient compte des problèmes causés par les embouteillages, d’endiguer l’étalement des villes au profit de villes compactes, comme le préconisent certains documents. L’intégration de l’urbanisme et de la planification des transports et l’utilisation d’incitations jouent un rôle crucial sur le plan du rendement énergétique et des économies d’énergie dans le secteur des transports. Voilà un secteur où les effets restrictifs revêtent une extrême importance : lorsque les modes d’utilisation des terres ont été choisis, il est difficile de faire marche arrière. Cela représente une occasion, en particulier dans le monde en développement.
Les taxes sur les carburants dans le secteur des transports sont d’usage courant, même si elles se sont révélées très impopulaires dans certains pays, surtout lorsqu’elles sont perçues comme des mesures d’accroissement des recettes. Les péages imposés aux usagers de la route sont d’autant mieux acceptés qu’ils contribuent à couvrir les coûts des services de transport. Même si les camions et les automobiles peuvent faire l’objet de possibilités et d’obstacles différents en raison des différences qui marquent leur utilisation et les distances de déplacement, une politique fiscale qui évalue le coût intégral des émissions de GES aurait le même impact sur la réduction du CO2 dans le secteur des transports routiers. Plusieurs études ont analysé la possibilité de réajuster la façon de percevoir les taxes routières, les droits de permis et les primes d’assurance et ont révélé des réductions possibles des émissions d’environ 10 pour cent dans les pays de l’OCDE. L’insuffisance du développement et de l’existence de réseaux de transport en commun commodes et efficaces stimulent l’utilisation de véhicules privés consommant moins d’énergie. Mais c’est la combinaison de politiques qui protègent les intérêts des transports routiers qui constitue le plus grand obstacle au changement, plutôt qu’un seul type d’instrument.
Les véhicules neufs et d’occasion et/ou leurs technologies s’écoulent pour la plupart des pays développés vers les pays en développement. C’est ainsi qu’une démarche mondiale visant à réduire les émissions et ciblant les technologies dans les pays développés risque d’avoir un profond impact sur les émissions futures dans les pays en développement.
Industrie : dans le secteur industriel, les obstacles peuvent revêtir de nombreuses formes et dépendre des caractéristiques de l’entreprise (taille et structure) et du contexte commercial. Si l’on ne prend pas des mesures rentables d’efficacité énergétique, c’est souvent à cause du manque d’informations et des coûts de transaction élevés permettant d’obtenir des renseignements fiables. Les capitaux servent à des priorités d’investissement concurrentes et sont soumis à des taux de rendement minimal élevés pour ce qui est des investissements qui visent le rendement énergétique. La pénurie de personnel qualifié, surtout dans les petites et moyennes entreprises (PME), ne facilite pas l’installation de nouveaux équipements à bon rendement énergétique par rapport à la simplicité des achats d’énergie. Parmi les autres obstacles, il faut mentionner la difficulté à quantifier les économies d’énergie et la lenteur de propagation des technologies innovatrices sur les marchés, tandis que les entreprises sous-investissent généralement dans la R&D, en dépit du taux de rendement élevé de l’investissement.
Un vaste éventail de politiques visant à éliminer les obstacles, réels ou perçus, ont été utilisées et testées dans le secteur industriel dans les pays développés, moyennant des taux de succès variables. Les programmes d’information sont conçus pour aider les consommateurs d’énergie à comprendre et à employer des techniques et des pratiques qui contribuent à économiser l’énergie de manière plus efficace. Les types de lois sur l’environnement ont été la force motrice de l’adoption de nouvelles technologies. Parmi les nouvelles façons d’améliorer le rendement énergétique dans le secteur industriel dans les pays développés, il faut mentionner les accords volontaires (AV).
Dans le secteur de l’approvisionnement énergétique, pratiquement tous les obstacles génériques mentionnés à la section 5.2 limitent l’adoption de technologies et de pratiques écologiquement rationnelles. La déréglementation croissante de l’approvisionnement énergétique, même si elle le rend plus efficace, soulève des préoccupations précises. La volatilité des cours du disponible et des prix du marché, la perspective à court terme des investisseurs privés et les risques perçus des centrales nucléaires et hydroélectriques ont entraîné un déplacement des choix des carburants et des technologies au profit des centrales alimentées au gaz naturel et au pétrole aux dépens des sources d’énergie renouvelables, ce qui englobe (dans une moindre mesure) l’hydroélectricité dans quantité de pays.
La cogénération ou la production combinée d’électricité et de chaleur est beaucoup plus efficace que la production d’énergie pour chacune de ces utilisations prises individuellement. La production combinée de chaleur et d’électricité a un rapport étroit avec la disponibilité et la densité des charges calorifiques industrielles, le chauffage à distance et les réseaux de refroidissement. Or, sa généralisation est entravée par la pénurie d’informations, par la nature décentralisée de la technologie, par l’attitude des exploitants de réseaux en grille, par les conditions des réseaux coordonnés et l’absence de politiques favorisant une planification à long terme. Il faut des politiques publiques et des pouvoirs de réglementation rigoureux pour installer et assurer l’harmonisation des conditions, la transparence et le dégroupage des principales fonctions d’alimentation en électricité.
Agriculture et foresterie : l’absence d’un potentiel de recherche suffisant et la non-fourniture de services de vulgarisation auront pour effet d’entraver la propagation des technologies adaptées aux circonstances locales tandis que la baisse d’influence du Groupe consultatif pour la recherche agricole internationale (GCRAI) a aggravé le problème dans les pays en développement. L’adoption de nouvelles technologies est également limité par la petite taille des exploitations agricoles, les limites du crédit, la crainte du risque, le manque d’accès à des informations et à un capital humain, l’insuffisance des infrastructures rurales et les droits de jouissance, et par l’approvisionnement peu fiable des intrants complémentaires. Les subventions versées au titre de produits cruciaux pour l’agriculture, comme les engrais, l’approvisionnement en eau ainsi que l’électricité et les carburants, sans oublier les extrants pour maintenir la stabilité des systèmes agricoles et la distribution équitable des richesses, ont pour effet de fausser les marchés d’écoulement de ces produits.
Parmi les mesures visant à surmonter les obstacles ci-dessus, mentionnons :
Le secteur forestier est pour sa part confronté à la réglementation de l’utilisation des terres et à d’autres politiques macroéconomiques qui privilégient généralement la conversion à d’autres utilisations comme l’agriculture, l’élevage de bovins en liberté et les industries urbaines. L’insécurité des modes de faire-valoir et des droits de jouissance et des subventions qui privilégient l’agriculture ou l’élevage du bétail font partie des obstacles les plus redoutables à la gestion durable des forêts et à la durabilité des mesures d’atténuation du carbone. Par rapport à l’atténuation des changements climatiques, d’autres problèmes, comme l’absence d’un potentiel technique, l’absence de crédibilité qui se rattache à l’établissement de scénarios de base d’un projet et la surveillance des stocks de carbone, constituent des difficultés majeures.
Gestion des déchets : l’élimination et le traitement des déchets solides et des eaux usées sont là l’origine d’environ 20 pour cent des émissions de méthane d’origine anthropique. Les principaux obstacles au transfert de technologie dans ce secteur sont le financement et le potentiel institutionnel limités, la complexité juridictionnelle et le besoin d’une participation de la collectivité. Les projets d’atténuation des changements climatiques se heurtent à d’autres obstacles dus au manque de connaissances sur la captation du CH4 et la production possible d’électricité, du manque de volonté d’engager des ressources humaines supplémentaires pour atténuer les changements climatiques et de la complexité institutionnelle supplémentaire que nécessite non seulement le traitement des déchets, mais également la production et l’approvisionnement en bioénergie. L’absence de cadres précis de réglementation et d’investissement peut présenter des défis redoutables à l’élaboration de projets.
Pour surmonter les obstacles et se prévaloir des possibilités qu’offre la gestion des déchets, il faut adopter une approche axée sur des projets multiples, dont les éléments sont les suivants :
Considérations régionales : l’évolution des régimes planétaires offre la possibilité d’adopter des technologies et des pratiques d’atténuation des GES concordant avec les objectifs du DED. Cependant, une culture de subventions énergétiques, d’inertie institutionnelle, de marchés financiers morcelés, d’intérêts matériels, etc. érige des obstacles de taille à leur adoption et pose sans doute des problèmes particuliers dans les pays en développement et les PET. La situation qui prévaut dans ces deux groupes de pays réclame une analyse plus approfondie des obstacles et des possibilités d’ordre commercial, institutionnel, financier et de revenu, des prix faussés et des lacunes d’information. Dans les pays développés, d’autres obstacles, comme le mode de vie actuel et les modes de consommation à forte intensité de carbone, les structures sociales, les facteurs extérieurs au réseau et les incitations déplacées, offrent des possibilités d’intervention pour maîtriser l’augmentation des émissions de GES. Enfin, les technologies nouvelles et plus anciennes s’écoulent le plus souvent des pays développés vers les pays en développement et les économies en transition. Une approche planétaire visant à réduire les émissions qui ciblerait les technologies transférées des pays développés aux pays en développement pourrait avoir une incidence profonde sur les émissions futures.
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