L’innovation technologique et sociale est un processus complexe de recherche, d’expérimentation, d’apprentissage et de développement susceptible de contribuer à l’atténuation des GES. Plusieurs théories et modèles ont été élaborés pour en comprendre les caractéristiques, les éléments moteurs et les implications. De nouvelles connaissances et un nouveau capital humain pourraient découler des dépenses consacrées à la R&D et de l’apprentissage par la pratique et/ou d’aboutir à un processus évolutif. La plupart des innovations nécessitent des changements d’ordre social ou comportemental de la part des utilisateurs. Les économies qui évoluent rapidement, de même que les structures sociales et institutionnelles, présentent des possibilités de retenir des technologies d’atténuation des GES grâce auxquelles certains pays s’engageront sur le chemin du développement durable. Les itinéraires dépendront de la conjoncture socio-économique particulière qui reflète les prix, le financement, le commerce international, la structure des marchés, les institutions, la fourniture de renseignements et des facteurs sociaux, culturels et comportementaux, dont les principaux éléments sont décrits ci-après.
L’instabilité de la conjoncture macroéconomique augmente les risques encourus par les investissements privés et les finances. Une politique gouvernementale fiscale et d’emprunt manquant de prudence aboutit à des déficits publics chroniques et à de faibles liquidités dans le secteur privé. Les pouvoirs publics peuvent également créer des incitatifs microéconomiques pervers propices à des activités de maximisation de la rente et de corruption, plutôt que d’une utilisation efficace des ressources. Les obstacles au commerce qui militent en faveur des technologies inefficaces ou qui empêchent d’avoir accès à des technologies étrangères ralentissent la propagation des technologies. L’aide conditionnelle continue de dominer l’aide officielle au développement. Cela fausse l’efficacité des choix technologiques et risque d’encombrer les modèles fonctionnels viables.
Figure TS 7 : Pénétration des technologies écologiquement rationnelles : cadre conceptuel |
Les établissements de financement commercial s’exposent à des risques élevés lorsqu’ils conçoivent des produits financiers “verts”. Les technologies écologiquement rationnelles s’appliquant à des projets de taille relativement réduite assortis de longs délais de remboursement dissuadent les banques en raison des coûts de transaction élevés. La valeur de prêt étant réduite, il est difficile d’utiliser des instruments de financement, comme le financement des projets. Parmi les méthodes novatrices adoptées par le secteur privé pour venir à bout de ces problèmes, mentionnons la location-bail, les banques environnementales et éthiques, les microcrédits ou les établissements de microfinancement qui visent les foyers à faible revenu, les fonds pour l’environnement, les entreprises de service écoénergétiques (ESCO) et les capitaux risque “verts”. Le secteur de l’assurance a déjà commencé de réagir aux risques qui se rattachent aux changements climatiques. Les nouveaux établissements financiers “verts”, comme les fonds de placement forestier, ont exploité les possibilités commerciales en cherchant à saisir la valeur des forêts sur pied.
Les prix faussés ou incomplets constituent également d’importants obstacles. L’absence d’un prix du marché de certaines incidences (externalités), comme les dégâts causés à l’environnement, constitue un obstacle à la propagation des technologies bénéfiques pour l’environnement. La distorsion des prix attribuable aux taxes, aux subventions ou à d’autres interventions stratégiques qui font que les ressources consommées coûtent plus ou moins cher aux consommateurs empêche également la propagation des technologies qui contribuent à conserver les ressources.
Les facteurs extérieurs au réseau peuvent aussi ériger des obstacles. Certaines technologies fonctionnent de telle manière que les équipements d’un utilisateur donné interagissent avec les équipements d’autres utilisateurs, créant ainsi des “facteurs extérieurs au réseau”. Par exemple, l’attrait des véhicules qui utilisent des carburants de remplacement dépend de l’existence de sites de ravitaillement pratiques. En revanche, l’établissement d’infrastructures de distribution de l’essence dépend de la demande de véhicules utilisant des carburants de remplacement.
Des incitations déplacées peuvent survenir entre propriétaires et locataires lorsque le locataire doit assumer les coûts mensuels du combustible et/ou de l’électricité et que le propriétaire a tendance à lui fournir les équipements le meilleur marché sans égard à la consommation d’énergie mensuelle. On se heurte à des problèmes de même nature lorsque des entreprises achètent des véhicules qui sont utilisés par leurs employés.
Intérêts matériels : un obstacle de taille à la propagation des progrès techniques réside dans les intérêts matériels qui se spécialisent dans les technologies classiques et qui peuvent donc être tentés de s’associer ou d’exercer des pressions politiques sur les gouvernements pour qu’ils imposent des procédures administratives, des taxes, des obstacles au commerce et des règlements afin de retarder ou même d’empêcher l’arrivée de nouvelles innovations qui risquent de détruire leurs loyers.
Le manque d’organismes de réglementation efficaces empêche l’entrée en service de technologies écologiquement rationnelles. De nombreux pays ont d’excellentes dispositions constitutionnelles et juridiques pour protéger l’environnement, mais ces dernières sont rarement appliquées. Cependant, les “règlements officieux” résultant des pressions communautaires exercées, par exemple, par les organisations non gouvernementales (ONG), les syndicats, les associations de quartier, etc., peuvent remplacer les pressions réglementaires officielles.
Les informations sont souvent considérées comme un bien public. Les informations génériques relatives à la disponibilité de différents types de technologies et à leurs caractéristiques de rendement peuvent présenter les caractéristiques d’un “bien public” et, par conséquent, faire l’objet d’une diffusion insuffisante par le marché privé. Ce problème est aggravé par le fait que, même après l’entrée en service et l’utilisation d’une technologie, il est souvent difficile de quantifier les économies d’énergie résultant de son installation à cause d’erreurs de mesure et de la difficulté que posent les problèmes de base. Le fait de savoir que cette incertitude risque de persister peut en soi entraver la propagation des technologies.
Les modes de vie, les comportements et les modes de consommation actuels se sont développés dans les contextes socioculturels actuels et historiques. Les changements qui surviennent dans le comportement et les modes de vie peuvent résulter d’un certain nombre de processus inextricablement liés, comme :
Les obstacles revêtent diverses formes en fonction de chacun des processus ci-dessus.
Dans certains cas, l’élaboration des politiques repose sur un modèle de psychologie humaine qui a fait l’objet de nombreuses critiques. On présume que les gens désirent rationnellement maximiser leur bien-être et qu’ils ont un ensemble de valeurs immuables. Un tel modèle n’explique pas les processus comme l’apprentissage, l’accoutumance, la formation des valeurs ou la rationalité limitée que l’on observe dans les choix de l’être humain. Les structures sociales peuvent toucher la consommation, notamment par l’association entre certains objets et le statut ou la classe sociale. L’adoption par les individus de modes de consommation plus durables dépend non seulement de l’appariement entre ces modes et leurs besoins perçus, mais aussi de la mesure dans laquelle ils comprennent leurs options de consommation et où ils sont en mesure d’opérer des choix.
L’Incertitude est aussi un obstacle important. Un consommateur peut être incertain quant aux prix futurs de l’énergie et, par conséquent, aux économies d’énergie futures. Par ailleurs, la prochaine génération d’équipements peut être empreinte d’incertitude; par exemple, verra-t-on apparaître l’an prochain un modèle meilleur marché ou supérieur? Dans la prise de décisions pratiques, un obstacle se rattache souvent à la question des coûts irrécupérables et à la longue durée de vie des infrastructures, et à l’irréversibilité connexe des investissements dans les infrastructures non interchangeables.
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