Les écosystèmes sont soumis à de multiples pressions, dont les changements d’affectation des terres, le dépôt de substances nutritives et de polluants, les prélèvements, le pâturage, l’introduction d’espèces exotiques et la variabilité naturelle du climat. Les changements climatiques introduisent une pression supplémentaire susceptible de modifier ou de menacer ces systèmes. Leur incidence sera influencée par l’adaptation de la gestion des terres et de l’eau et par les interactions avec d’autres tensions. La capacité d’adaptation est plus grande quand les terres et les ressources en eau sont gérées de manière intensive et produisent des biens marchands (par exemple, le bois dans les plantations) que lorsque les terres sont gérées moins intensivement ou lorsqu’aucune valeur marchande n’est liée aux terres et aux ressources en eau. [ 5.1, 5.2]
Les populations de nombreuses espèces sont déjà menacées et devraient être exposées à des risques accrus du fait de la synergie entre le stress causé par les changements climatiques, qui rend inadaptés certains habitats actuels, et les changements d’affectation des terres, qui morcellent les habitats. En l’absence d’adaptation, des espèces que l’on juge aujourd’hui «extrêmement menacées» disparaîtront et la majorité de celles qui sont «menacées ou vulnérables» deviendront plus rares au XXIe siècle (degré élevé de confiance). L’incidence pourrait être marquée sur les sociétés les plus pauvres qui tirent leur subsistance de la nature. De plus, la disparition ou la diminution des espèces aurait des répercussions sur le rôle que jouent celles-ci dans les écosystèmes (pollinisation, effet antiparasitaire naturel, etc.), dans les loisirs (chasse sportive, observation de la faune) et dans les pratiques culturelles et religieuses des populations autochtones (degré élevé de confiance). L’aménagement de réserves classiques ou intégrales et de parcs comportant des corridors pour la migration, ainsi que l’élevage en captivité et le transfert, font partie des mesures d’adaptation possibles destinées à réduire les risques. Toutefois, ces solutions pourraient être limitées par leur coût. [5.4]
De nombreuses études d’observation et d’expérimentation ont montré qu’il existe des liens entre les changements dans le climat régional et dans les processus biologiques ou physiques au sein des écosystèmes. Cela comprend l’allongement de la période de croissance des végétaux de 1,2 à 3,6 jours par décennie aux hautes latitudes de l’hémisphère Nord (ce qui modifie la composition des communautés), le réchauffement des lacs et des rivières causé par le raccourcissement de la durée de la couverture glaciaire, la migration de végétaux alpins vers les sommets, l’augmentation de la mortalité et le rétrécissement de l’aire de répartition des espèces dus au stress thermique. Mentionnons aussi la taille des populations, les dimensions corporelles des spécimens et les périodes de migration (voir TS 2.1 et 7.1, Figure TS-11 et tableau TS 16 pour plus d’informations).[ 5.2.1]
Les modèles de répartition de la végétation depuis le SAR indiquent qu’un déplacement important des écosystèmes ou des biomes est fort improbable étant donné la tolérance variable des espèces concernées aux conditions climatiques, les écarts dans la capacité migratoire et les effets des espèces envahissantes. La composition et la dominance des espèces se modifieront, produisant des types d’écosystèmes qui pourraient être très différents de ceux que nous connaissons aujourd’hui. Ces modifications surviendront des années, voire des décennies ou des siècles, après l’évolution du climat (degré élevé de confiance). On n’a pas pris en considération dans ces études les conséquences sur la végétation des variations dans les perturbations que sont les incendies, les vents violents ou les infestations parasitaires. [5.2]
Les modélisations récentes indiquent encore une possibilité de perturbation majeure des écosystèmes en réaction aux changements climatiques (degré élevé de confiance). Les modèles corrélatifs simples qui ont été améliorés depuis le SAR montrent un risque élevé de perturbation et de migration des écosystèmes à certains endroits. Les données d’observation et les nouveaux modèles dynamiques de la végétation liés aux modèles climatiques d’état transitoire permettent d’affiner ces projections. Cependant, les résultats précis dépendent de processus trop subtils pour être pleinement saisis par les modèles actuels. [5.2]
La hausse des concentrations de CO2 augmentera la productivité primaire nette (croissance des végétaux, dépôt de litière et mortalité) dans la plupart des systèmes, tandis que l’élévation des températures pourrait avoir une incidence bénéfique ou néfaste (degré élevé de confiance). Les expériences menées sur trois espèces cultivées sous une teneur élevée en CO2 pendant plusieurs années ont montré une stimulation persistante et soutenue de la photosynthèse et peu de signes de perte de sensibilité au CO2 à long terme. Toutefois, les changements dans la productivité nette des écosystèmes (qui comprend la croissance des végétaux, le dépôt de litière, la mortalité, la décomposition de litière et la dynamique du carbone dans les sols) et dans la productivité nette des biomes (qui englobe ces effets plus ceux des incendies et d’autres perturbations) ont moins de chances d’être bénéfiques et pourraient être globalement néfastes. Les recherches effectuées depuis le SAR confirment que les effets les plus précoces et les plus importants induits par les changements climatiques devraient apparaître dans les forêts boréales, en raison de la modification des régimes de perturbations météorologiques et du cycle des nutriments. [ 5.6.1.1, 5.6.3.1]
Les écosystèmes terrestres emmagasinent de plus en plus de carbone. Au moment du SAR, on attribuait surtout ce phénomène à l’augmentation de la productivité végétale due à l’interaction des concentrations élevées de CO2, de la hausse des températures et des changements dans l’humidité des sols. Des résultats récents confirment les gains de productivité mais donnent à penser qu’ils seraient moins grands dans la culture en champ que dans la culture expérimentale en pots (degré de confiance moyen). Ainsi, l’absorption pourrait être davantage causée par les changements d’affectation et de gestion des terres que par les effets directs des fortes concentrations de CO2 et du climat. On ne sait pas trop dans quelle mesure les écosystèmes terrestres continueront à être des puits nets de carbone, vu les interactions complexes entre les facteurs susmentionnés (par exemple, les écosystèmes terrestres arctiques et les terres humides peuvent faire office de sources et de puits) (degré de confiance moyen).
La productivité devrait baisser dans les zones arides ou semiarides (parcours, forêts/régions boisées sèches) où les changements climatiques diminueront probablement l’humidité disponible dans les sols. Les concentrations élevées de CO2 pourraient compenser certaines pertes. Toutefois, une bonne partie de ces zones sont touchées par le phénomène El Niño/La Niña, par d’autres événements climatiques extrêmes et par des perturbations telles que les incendies. Les changements de fréquence de ces phénomènes et perturbations pourraient entraîner une baisse de productivité et, donc, une dégradation des terres, une perte du carbone emmagasiné ou une diminution du taux d’absorption du carbone (degré de confiance moyen). [ 5.5]
Certaines terres humides seront remplacées par des forêts ou des landes; celles qui reposent sur le pergélisol seront probablement perturbées par la fonte de ce dernier (degré élevé de confiance). L’effet initial net du réchauffement sur les stocks de carbone dans les écosystèmes des hautes latitudes sera probablement négatif parce que la décomposition peut, au début, réagir plus rapidement que la production. Dans ces systèmes, les changements d’albédo et d’absorption énergétique en hiver produiront sans doute une rétroaction positive au réchauffement régional, étant donné la fonte précoce de la neige et, sur des décennies ou des siècles, le déplacement de la limite des arbres vers le pôle. [5.8, 5.9]
La plupart des processus des terres humides dépendent de l’hydrologie du bassin versant; les adaptations aux changements climatiques attendus pourraient donc être à peu près impossibles. Les groupements de tourbières ombrotrophes arctiques et subarctiques situées sur le pergélisol, ainsi que les zones humides dépressionnaires plus au sud dotées de petits bassins versants, seront probablement extrêmement vulnérables aux changements climatiques. Le rythme accéléré de conversion et d’assèchement des tourbières en Asie du Sud-Est devrait accroître les risques d’incendie et réduire la viabilité des terres humides tropicales. [5.8]
Les possibilités d’adaptation des écosystèmes des hautes latitudes et des écosystèmes alpins sont limitées parce que ces derniers réagiront vivement aux changements climatiques attendus dans le monde. Une gestion soigneuse des ressources de la nature pourrait minimiser les effets sur les populations autochtones. De nombreuses régions des latitudes polaires sont fortement tributaires d’une ou de quelques ressources telles que le bois, le pétrole, les caribous ou les revenus de la lutte contre les incendies. La diversification économique atténuerait l’incidence des profonds changements dans la disponibilité ou la valeur de certains biens et services. Etant donné les niveaux élevés d’endémisme de nombreuses espèces végétales alpines et leur incapacité à migrer vers les sommets, ces espèces sont très vulnérables. [5.9]
Contrairement au SAR, les études du marché mondial du bois qui incluent les mesures d’adaptation par la gestion des terres et des produits indiquent que les changements climatiques augmenteraient l’offre mondiale de bois (degré de confiance moyen). A l’échelle régionale et mondiale, l’ampleur et la nature de l’adaptation dépendront d’abord du prix des produits ligneux et non ligneux, de la valeur relative des produits de substitution, du coût de la gestion et de la technologie. A certains endroits, les changements dans la croissance et la productivité des forêts pèseront sur le choix des stratégies d’adaptation, qu’ils pourraient limiter (degré élevé de confiance). Sur les marchés, les prix orienteront l’adaptation par la gestion des terres et des produits. Dans les forêts exploitées, l’adaptation comprendra la récupération du bois mort ou dépérissant, la plantation d’espèces mieux adaptées au nouveau climat ou d’espèces génétiquement modifiées, et l’intensification ou la diminution de la gestion. Les consommateurs bénéficieront de la baisse du prix du bois; les producteurs pourront y gagner ou y perdre, selon l’évolution régionale de la productivité et les effets possibles du dépérissement. [ 5.6]
Les changements climatiques entraîneront un déplacement vers le pôle des limites sud et nord de l’aire de répartition des poissons, la perte d’habitats pour les espèces qui vivent dans les eaux froides ou fraîches et l’extension des habitats pour les espèces d’eaux chaudes (degré élevé de confiance). En tant que classe d’écosystème, les eaux intérieures sont vulnérables aux changements climatiques et à d’autres pressions à cause de leur petite taille et de leur position aval par rapport à de nombreuses activités humaines (degré élevé de confiance). Les changements les plus probables comprennent la réduction et la disparition des glaces de lac et de rivière (degré très élevé de confiance), la perte d’habitats pour les poissons d’eaux froides (degré très élevé de confiance), l’augmentation du nombre d’espèces éteintes et des invasions par des espèces exotiques (degré élevé de confiance), l’aggravation possible des problèmes de pollution actuels comme l’eutrophisation, la toxicité, les pluies acides et le rayonnement UV-B (degré moyen de confiance). [ 5.7]
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