L’ambiguïté liée au développement durable et aux changements climatiques tient, en majeure partie, à l’absence de mesures pouvant fournir aux décideurs une information essentielle sur d’autres choix possibles, et leur indiquer dans quelle mesure ces choix influent sur certaines questions cruciales d’ordre social, économique et environnemental qui sont évidentes et reconnaissables. Aucune mesure de base ne leur permet non plus d’évaluer leur performance dans l’atteinte de leurs buts et objectifs. Par conséquent, il est indispensable d’établir des indicateurs pour faire fond sur le développement durable. A l’échelle nationale, des progrès importants ont été accomplis vers la définition et la conception de différents ensembles d’indicateurs; toutefois, il reste encore beaucoup à faire pour traduire les objectifs de durabilité en termes pratiques.
Il est difficile de tirer des conclusions générales sur les politiques et les choix en matière de développement durable. La durabilité implique et nécessite de la diversité, de la souplesse et de l’innovation. Les choix stratégiques visent à modifier les pratiques technologiques d’utilisation, de production et de consommation des ressources naturelles. Elles cherchent aussi à apporter des changements structurels dans les systèmes de production, la distribution spatiale des populations et des activités économiques ainsi que dans les comportements. La documentation sur les changements climatiques a examiné les trois premiers aspects dans leur intégralité, mais n’a accordé que très peu d’attention à la pertinence des choix et des décisions liés au comportement et au mode de vie. Les habitudes de consommation dans les pays industrialisés jouent un rôle non négligeable dans les changements climatiques. Si les gens modifiaient leurs préférences, cela pourrait considérablement atténuer les changements climatiques. Pour changer les habitudes de consommation, toutefois, les gens doivent non seulement modifier leur comportement, mais aussi leur attitude, car les habitudes de consommation font partie intégrante du mode de vie et influent par conséquent sur l’estime de soi. Quoi qu’il en soit, mis à part les changements climatiques, d’autres raisons peuvent justifier des changements de comportements, et des indications montrent que les politiques peuvent également y contribuer.
Une condition cruciale du développement durable est la capacité de concevoir des mesures stratégiques qui, sans nuire au développement et tout en étant conformes aux stratégies nationales, pourraient exploiter des synergies potentielles entre les objectifs nationaux de croissance économique et les politiques axées sur l’environnement. Les stratégies d’atténuation des changements climatiques offrent un bon exemple de la façon dont des politiques coordonnées et harmonisées peuvent tirer profit des synergies en jeu dans la mise en œuvre des options d’atténuation et l’élargissement des objectifs. L’amélioration de l’efficacité énergétique, notamment la conservation de l’énergie, l’adoption de carburants à faible teneur en carbone, l’utilisation de ressources énergétiques renouvelables et l’introduction de technologies énergétiques non traditionnelles plus avancées, auront des effets importants sur la limitation des tendances des émissions de gaz à effet de serre. De même, l’adoption de nouvelles technologies et pratiques agricoles et forestières ainsi que l’adoption de procédés industriels non polluants pourraient grandement contribuer aux efforts d’atténuation des gaz à effet de serre. Selon le contexte précis dans lequel elles sont appliquées, ces options peuvent entraîner des effets secondaires positifs ou des doubles dividendes mais, dans certains cas, elles valent la peine d’être entreprises, qu’il s’agisse ou non du climat.
Le développement durable nécessite des changements technologiques et connexes radicaux tant dans les pays développés que dans ceux en voie de développement. L’innovation technologique ainsi que le transfert et l’application rapide et répandue des options et des choix technologiques individuels, et des systèmes technologiques généraux, constituent des éléments importants des stratégies mondiales visant à réaliser la stabilisation du climat et le développement durable. Cependant, le transfert de technologie requiert plus que la technologie elle-même. Un environnement favorable à l’efficacité du transfert et de la mise en œuvre de la technologie joue un rôle primordial, surtout dans les pays en voie de développement. Pour que le transfert de technologie apporte des avantages économiques et sociaux, il doit tenir compte des traditions et des capacités culturelles locales, ainsi que des conditions institutionnelles et organisationnelles requises pour traiter, exploiter, reproduire et améliorer la technologie de façon continue.
Le processus d’intégration et d’internalisation des politiques sur les changements climatiques et le développement durable dans les programmes de développement national nécessite de nouvelles stratégies de résolution de problème et de nouvelles approches décisionnelles. Cette tâche comprend un effort à deux volets. D’une part, le discours sur le développement durable doit faire preuve d’une plus grande rigueur analytique et intellectuelle (méthodes, indicateurs, etc.) pour faire passer le concept de la théorie à la pratique. D’autre part, le discours doit considérer à la fois l’ensemble restrictif des hypothèses sous-jacentes aux outils et aux méthodes utilisés dans l’analyse et les effets sociaux et politiques des constructions scientifiques des changements climatiques. Au cours des dernières années, nombre de travaux d’analyse ont examiné le problème dans les deux sens. Diverses approches ont été étudiées pour transcender les limites des perspectives et des cadres décisionnels habituels dans l’examen des incertitudes, de la complexité et de l’influence contextuelle de l’évaluation humaine et de la prise de décision. Un thème commun ressort : l’accent mis sur les cadres de prise de décision participatifs pour réaliser de nouvelles ententes institutionnelles.
Les limites qui ont été acceptées mondialement en ce qui concerne les changements climatiques (ou les concentrations atmosphériques de gaz à effet de serre qui en résultent) varient d’un pays à l’autre et donnent lieu à différents équilibres entre les coûts d’atténuation et les dommages nets. Si l’on considère les incertitudes en jeu et les connaissances futures, la stabilisation du climat sera inévitablement un processus itératif : les Etats déterminent leurs propres objectifs nationaux d’après leur exposition et leur sensibilité à l’exposition des autres pays aux changements climatiques. L’objectif mondial découle de la consolidation des objectifs nationaux, qui impliquerait probablement la question de paiements latéraux, dans le cadre de négociations internationales. Simultanément, l’entente sur la répartition des charges et l’objectif mondial accepté déterminent les coûts nationaux. Par rapport aux dommages nets prévus selon l’objectif mondial, les Etats-nations pourraient reconsidérer leurs propres objectifs nationaux, surtout à la lumière de nouvelles données sur les caractéristiques et les impacts mondiaux et régionaux des changements climatiques. Cela constitue donc le point de départ de la prochaine ronde de négociations. Il semble donc que l’établissement d’un “nombre magique” (soit la limite supérieure des changements climatiques planétaire ou de la concentration maximale de gaz à effet de serre dans l’atmosphère) constituera un long processus qui découlera principalement du processus stratégique, aidé, on l’espère, par l’amélioration de la science.
Après étude des dilemmes clés de la prise de décision en matière de changements climatiques, on arrive aux conclusions suivantes voir aussi le tableau TS.7):
Les décisions touchant l’atténuation et l’adaptation liées aux changements climatiques induit par les activités anthropiques diffèrent. Les décisions axées sur l’atténuation mettent en présence de nombreux pays, répartissent les avantages (dont certains avantages accessoires à court terme) à l’échelle planétaire sur des décennies voire des siècles, sont influencées par les initiatives d’action publique, reposent sur les données actuellement disponibles, et une réglementation appropriée à ces décisions nécessitera donc une application rigoureuse. En revanche, les décisions axées sur l’adaptation prévoient un laps de temps plus court entre les investissements et leur rendement, les coûts connexes et l’accroissement des avantages locaux, et leur mise en œuvre requiert l’application de politiques publiques locales et une adaptation de nature privée des agents sociaux touchés, pour obtenir une meilleure information. Les capacités locales d’atténuation et d’adaptation varient significativement selon les régions et dans le temps. Un ensemble de politiques d’atténuation et d’adaptation dépendra des priorités locales et nationales, des approches privilégiées et des responsabilités internationales.
Vu les grandes incertitudes caractérisant chaque aspect des changements climatiques, il est aujourd’hui difficile pour les décideurs d’établir un niveau de stabilisation des concentrations de gaz à effet de serre mondialement acceptable. Les études consultées aux fins du présent chapitre corroborent la thèse explicite qui veut que des objectifs de stabilisation faibles entraînent, d’une part, des coûts d’atténuation substantiellement plus élevés et des réductions d’émissions plus ambitieuses à court terme et, d’autre part, comme en fait état le GT II dans son rapport, que des objectifs moins élevés aient des impacts bio/géophysiques beaucoup plus faibles, d’où la réduction des dommages et des coûts d’adaptation.
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