L’évolution mondiale du climat aura des effets divers sur la santé, certains bénéfiques mais la plupart néfastes. Les changements dans la fréquence des journées de chaleur ou de froid extrême, dans la fréquence des inondations et des sécheresses et dans le profil de la pollution locale de l’air et des aéroallergènes devraient avoir un impact direct sur la santé. D’autres conséquences découleraient de l’incidence des changements climatiques sur les systèmes écologiques et sociaux : cas de maladies infectieuses, production locale de nourriture et sous-alimentation, diverses conséquences des déplacements de population et des perturbations économiques.
Peu de recherches publiées démontrent que l’état de santé des populations a évolué en réaction aux tendances climatiques observées ces dernières décennies. Il est difficile de cerner de tels effets parce que la plupart des problèmes de santé ont une origine multifactorielle et parce que les contextes socio-économiques, démographiques et environnementaux varient beaucoup dans le temps.
Les études relatives à l’incidence de la variabilité interannuelle du climat sur la santé (particulièrement celle associée au cycle El Niño) ont fourni de nouvelles données sur la sensibilité de la santé humaine au climat, particulièrement dans le cas des maladies transmises par les moustiques. La combinaison des connaissances acquises par la recherche, de la compréhension théorique qui en résulte et des résultats fournis par les modèles de prévision permet de tirer plusieurs conclusions concernant les effets futurs des changements climatiques sur la santé humaine.
Si les vagues de chaleur augmentaient en fréquence et en intensité, les risques de mortalité et de maladie grave augmenteraient, surtout chez les personnes âgées et chez les pauvres en milieu urbain (degré élevé de confiance). Les effets seraient souvent exacerbés par une hausse de l’humidité et de la pollution de l’air dans les villes. Les augmentations les plus fortes du stress thermique sont attendues en milieu urbain aux latitudes moyennes et hautes (tempérées), particulièrement dans les populations dont les logements ne sont pas adaptés et qui ont peu accès à la climatisation. La modélisation des effets des vagues de chaleur sur les populations urbaines, en intégrant l’acclimatation, suggère qu’un certain nombre de villes américaines enregistreront en moyenne plusieurs centaines de décès supplémentaires chaque été. Même si, dans les pays en développement, l’impact des changements climatiques sur la mortalité liée au stress thermique risque d’être important, peu de recherches ont été menées sur ces populations. Des étés plus chauds et moins de périodes froides réduiront la mortalité liée au froid dans nombre de pays tempérés (degré élevé de confiance). Des données limitées indiquent que, dans certains pays tempérés au moins, la baisse du nombre de décès en hiver excéderait la hausse en été (degré de confiance moyen). [ 9.4]
Toute augmentation dans la fréquence et l’intensité d’événements extrêmes tels que les tempêtes, les inondations, les sécheresses ou les cyclones auraient des effets néfastes sur la santé par différentes voies. Ces phénomènes naturels peuvent être directement responsables de décès et de blessures et nuire indirectement à la santé par la destruction de logements, le déplacement de population, la contamination de l’eau, la perte de récoltes (entraînant la faim et la malnutrition), l’augmentation des risques d’épidémie de maladies infectieuses (dont les maladies respiratoires et diarrhéiques) et les dommages à l’infrastructure sanitaire (degré très élevé de confiance). Si les cyclones augmentaient à l’échelle régionale, des effets désastreux se produiraient souvent, particulièrement dans les populations denses aux ressources insuffisantes. Ces dernières années, de grandes catastrophes liées au climat ont eu des effets majeurs sur la santé; ce fut le cas des inondations en Chine, au Bangladesh, en Europe, au Venezuela et au Mozambique, et de l’ouragan Mitch qui a dévasté l’Amérique centrale. [ 9.5]
Les changements climatiques diminueront la qualité de l’air dans les zones urbaines confrontées à des problèmes de pollution (degré de confiance moyen). L’élévation de la température (et, dans certains modèles, le rayonnement ultraviolet) favorise la formation d’ozone troposphérique, un polluant dont les effets néfastes sur la fonction respiratoire sont bien établis. Les répercussions des changements climatiques sur les autres polluants atmosphériques sont moins bien connus. [ 9.6]
La hausse des températures, les changements dans les précipitations et dans la variabilité du climat modifieraient les zones et le caractère saisonnier des maladies infectieuses à transmission vectorielle, les étendant dans certains cas et les réduisant dans d’autres cas. Ces maladies sont transmises par des organismes hématophages, tels les moustiques et les tiques, dont la survie dépend de l’interaction complexe du climat et d’autres facteurs écologiques. Aujourd’hui, 40 pour cent de la population mondiale vit dans des zones touchées par le paludisme. Dans les régions dont l’infrastructure de santé publique est réduite ou détériorée, la hausse des températures tendra à faire progresser la zone géographique de transmission du paludisme vers des altitudes plus élevées (degré de confiance élevé à moyen) et vers des latitudes plus hautes (degré de confiance moyen à faible). Le réchauffement, allié à des configurations favorables des pluies et des eaux superficielles, allongera la saison de transmission à certains endroits (degré élevé de confiance). Les changements climatiques, y compris la modification de la variabilité du climat, auront un impact sur beaucoup d’autres infections à transmission vectorielle (par exemple la dengue, les leishmanioses, divers types d’encéphalites transmises par les moustiques, la maladie de Lyme et l’encéphalite à tiques), en bordure de leur répartition actuelle (degré de confiance moyen/élevé). Dans certaines régions, l’évolution du climat réduira l’incidence de certaines maladies à transmission vectorielle, en raison de la diminution de la pluviosité ou de températures trop élevées (degré de confiance moyen). Une variété de modèles mathématiques indique, avec beaucoup de cohérence, que les scénarios des changements climatiques pour le siècle à venir entraîneraient une légère augmentation nette de la proportion de la population mondiale établie dans des régions de transmission potentielle du paludisme ou de la dengue (degré de confiance moyen à élevé). Un changement dans les conditions climatiques augmentera l’incidence de divers types de maladies infectieuses d’origine hydrique et alimentaire. [ 9.7]
Les changements climatiques pourraient provoquer dans le milieu marin des modifications propres à accentuer les risques d’intoxication par les biotoxines lors de la consommation de poissons ou de crustacés. Dans les eaux plus chaudes, des biotoxines telles que la ciguatera des eaux tropicales pourraient étendre leur aire de répartition vers de plus hautes latitudes (degré de confiance faible). L’élévation de la température de la mer en surface augmenterait la prolifération d’algues toxiques (degré de confiance moyen) qui ont des liens complexes avec l’intoxication humaine et qui nuisent à l’environnement et à l’économie. La modification de la quantité et de la qualité des eaux de surface aura un impact sur les maladies diarrhéiques (degré de confiance moyen). [ 9.8]
La modification des disponibilités alimentaires due aux changements climatiques pourrait avoir une incidence sur la nutrition et la santé des populations pauvres dans certaines parties du monde. Les études de l’impact de l’évolution du climat sur la production alimentaire indiquent que les effets pourraient être positifs ou négatifs à l’échelle de la planète, mais que le risque d’une baisse du rendement agricole est plus grand dans les pays en développement (où l’on estime que 790 millions de personnes souffrent actuellement de dénutrition). Les populations qui vivent dans des régions isolées et ont difficilement accès aux marchés seront particulièrement vulnérables face aux diminutions ou aux perturbations locales de l’approvisionnement alimentaire. La dénutrition est une cause essentielle du retard physique et intellectuel chez l’enfant, d’une faible productivité chez l’adulte et d’une fragilité face aux maladies infectieuses. Les changements climatiques augmenteront le nombre de personnes dénutries dans les pays en développement (degré de confiance moyen), particulièrement sous les tropiques. [ 9.9, 5.3]
Dans certains contextes, les effets des changements climatiques pourraient causer des perturbations sociales, un déclin économique et des déplacements de population nuisibles à la santé humaine. Les déplacements de population provoqués par les catastrophes naturelles ou par la détérioration de l’environnement ont de vastes répercussions sur la santé (degré de confiance élevé). . [ 9.10]
Il existe, pour chaque effet néfaste attendu sur la santé, une série de mesures d’adaptation sociales, institutionnelles, technologiques et comportementales visant à en atténuer l’incidence (voir le tableau TS 5). De façon générale, les conséquences seront plus graves dans les populations vulnérables à faible revenu, surtout dans les pays tropicaux/subtropicaux. Il est globalement nécessaire de renforcer et de maintenir l’infrastructure de santé publique (programmes, services, systèmes de surveillance). L’aptitude des populations touchées à s’adapter aux risques dépend également des circonstances sociales, environnementales, politiques et économiques. [ 9.11]
Tableau TS 5 : Options d’adaptation visant à atténuer l’incidence des changements climatiques sur la santé | ||||
Problème de santé | Législation | Mesures techniques | Enseignement et avis | Culture et comportement |
Stress thermique | - Normes de construction | - Logement, bâtiments publics, urbanisme pour réduire l’effet d’îlot thermique, climatisation | - Systèmes d’alerte précoce | - Vêtements, sieste |
Phénomènes météorologiques extrêmes | - Lois d’aménagement - Normes de construction - Migration forcée - Incitations économiques à la construction |
- Urbanisme - Abris de tempêtes |
- Systèmes d’alerte précoce | - Utilisation des abris de tempête |
Qualité de l’air | - Limitation des émissions - Restriction de la circulation |
- Amélioration des transports publics, convertisseurs catalytiques, cheminées | - Avis de pollution | - Covoiturage |
Maladies à transmission vectorielle | - Lutte contre le vecteur - Vaccination, moustiquaires de lit imprégnées - Programmes durables de surveillance, prévention et lutte |
- Information sanitaire | - Méthodes de stockage de l’eau | |
Maladies d’origine hydrique | - Loi sur la protection des bassins versants - Règlements sur la qualité de l’eau |
- Dépistage génétique/ moléculaire des agents pathogènes - Amélioration du traitement de l’eau - Amélioration de l’hygiène publique (ex : latrines) |
- Avis d’eau non potable (faire bouillir) | - Lavage des mains et autres mesures d’hygiène - Utilisation des latrines |
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