Bilan 2001 des changements climatiques :
Les éléments scientifiques

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D. LA SIMULATION DU SYSTÈME CLIMATIQUE ET DES SES CHANGEMENTS

Les deux sections précédentes rendaient compte de l’évolution du climat depuis un passé lointain jusqu’à nos jours sur la base des observations des variables climatiques et des facteurs de forçage qui sont à l’origine des changements climatiques. La présente section porte sur l’évolution future du climat et décrit les seuls outils dont on dispose pour obtenir des estimations quantitatives des changements climatiques futurs, à savoir les modèles numériques. La compréhension en profondeur du bilan énergétique du système terrestre laisse à penser que, si l’on peut se contenter de modèles très simples pour procéder à une estimation quantitative approximative de certaines variables moyennées à l’échelle du globe, il faut disposer de modèles climatiques plus élaborés pour effectuer des estimations précises des rétroactions et des phénomènes de portée régionale. La complexité des processus du système climatique ne permet pas d’extrapoler l’évolution passée ou d’employer des méthodes statistiques ou toute autre technique purement empiriques aux fins de projection. Les modèles climatiques peuvent servir à simuler les réactions du système climatique à différents scénarios concernant l’évolution future des agents de forçage (section F). De même, la projection du devenir du CO2émis (c’est-à-dire sa fixation relative dans les divers réservoirs) et des émissions d’autres gaz à effet de serre exige une bonne compréhension des processus biogéochimiques en jeu et leur prise en compte dans un modèle numérique du cycle du carbone.

Un modèle climatique est une représentation mathématique simplifiée du système climatique de la Terre (voir l’encadré N° 3). La capacité du modèle de simuler les réactions du système climatique dépend pour beaucoup du degré de compréhension des processus physiques, géophysiques, chimiques et biologiquesqui régissent ce système. Depuis le deuxième Rapport d’évaluation, les chercheurs ont réalisé des progrès sensibles dans la simulation du système climatique de la Terre à l’aide de modèles. Dans la présent section, on récapitulera d’abord les connaissances actuelles au sujet de certains des principaux processus qui régissent le système climatique et on s’intéressera à la qualité de leur représentation dans les modèles climatiques. On s’attachera ensuite à évaluer la capacité générale des modèles actuels de formuler des projections utilisables du climat futur.

Encadré N° 3 — Conception et application des modèles climatiques

Les modèles climatiques globaux sont fondés sur des lois physiques représentées par des équations mathématiques résolues au moyen d’une grille tridimensionnelle couvrant l’ensemble du globe. Pour simuler le climat, il faut représenter dans des sous-modèles les principaux éléments du système climatique (atmosphère, océan, terres émergées, cryosphère et biosphère) ainsi que les processus qui se manifestent dans ces divers éléments et entre eux. La plupart des résultats présentés dans le présent rapport sont tirés des résultats de modèles qui prennent plus ou moins en compte tous ces éléments. Les modèles du climat mondial où les éléments «atmosphère» et «océan» sont couplés sont connus sous le nom de modèles de la circulation générale couplés atmosphère-océan (MCGAO). Ainsi, dans le module atmosphérique, les équations résolues décrivent l’évolution à grande échelle de la quantité de mouvement, de la chaleur et de l’humidité. Des équations similaires sont résolues pour l’océan. Actuellement, pour ce qui est de la composante atmosphérique, les modèles types ont une résolution de quelque 250 km dans le plan horizontal et d’environ 1 km dans le plan vertical au-dessus de la couche limite. Quant à la résolution d’un modèle océanique type, elle est d’environ 200 à 400 m dans le plan vertical et d’environ 125 à 250 km dans le plan horizontal. Les équations sont généralement résolues pour chaque demi-heure d’intégration du modèle. De nombreux processus physiques, liés par exemple aux nuages ou à la convection océanique, se déroulent à des échelles spatiales bien inférieures à la grille des modèles et ne peuvent donc être modélisés et résolus explicitement. Leurs effets moyens sont approximativement pris en compte d’une façon simple, en tirant parti de leurs relations concrètes avec des variables à plus grande échelle. Cette technique est connue sous le nom de paramétrage.


Encadré N° 3, Figure 1
: Elaboration des modèles climatiques au cours des 25 dernières années, montrant comment les différentes composantes ont d’abord été modélisées séparément avant d’être couplées dans des modèles globaux.

Pour faire des projections quantitatives de l’évolution future du climat, il est nécessaire de recourir à des modèles simulant tous les principaux processus qui régissent cette évolution. Les modèles climatiques se sont perfectionnés au cours des dernières décennies, avec le renforcement de la puissance de calcul. Durant cette période, les modèles des diverses composantes (atmosphère, terres émergées, océan, glaces de mer) ont été mis au point séparément, avant d’être progressivement intégrés. Le couplage des diverses composantes est un processus ardu. Tout dernièrement, on a procédé à l’intégration de plusieurs composantes du cycle du soufre pour représenter les émissions de soufre et la façon dont elles se transforment en particules d’aérosols par oxydation. Quelques modèles réalisent actuellement le couplage du cycle du carbone terrestre et du cycle du carbone océanique. La composante correspondant à la chimie de l’atmosphère est pour l’instant modélisée indépendamment du modèle climatique principal. Bien entendu, il s’agit en fin de compte de modéliser la plus grande partie possible du système climatique de la Terre, afin que des interactions puissent se produire entre toutes ses composantes et que les prévisions du changement climatique tiennent compte en permanence de l’effet des rétroactions entre ces composantes. La figure ci-dessus montre l’évolution passée et présente et l’évolution future possible des modèles du climat.


Certains modèles corrigent les erreurs et les déséquilibres des flux de surface par des «ajustements de flux», c’est-àdire des ajustements systématiques déterminés de façon empirique à l’interface atmosphère-océan maintenu fixe dans le temps, de manière à rapprocher le climat simulé de l’état observé. Une stratégie a été conçue pour supprimer une bonne partie des effets de certaines erreurs des modèles sur les résultats des expériences portant sur le climat. La méthode habituelle consiste tout d’abord à procéder à une simulation « témoin » avec le modèle. On procède ensuite à une simulation de changement climatique, par exemple en augmentant la concentration de CO2 dans l’atmosphère du modèle. La différence permet alors d’établir une estimation du changement climatique dû à la perturbation. La technique de calcul des différences élimine la plupart des effets des ajustements artificiels du modèle ainsi que les erreurs systématiques communes aux deux simulations. Toutefois, la comparaison des résultats obtenus avec différents modèles montre qu’en raison de leur nature même, certaines erreurs continuent d’influer sur les résultats.

Par bien des aspects, le système climatique de la Terre est un système chaotique, en cela que son évolution est sensible à de faibles perturbations de son état initial. Cette sensibilité limite à deux semaines environ la prévisibilité de l’évolution détaillée des conditions météorologiques. Par contre, la prévisibilité du climat n’est pas aussi limitée, en raison de l’influence systématique exercée sur l’atmosphère par les diverses composantes du système climatique, à l’évolution plus lente. Néanmoins, pour pouvoir formuler des prévisions fiables en tenant compte à la fois de l’état initial et de l’incertitude du modèle, il convient de répéter les prévisions à plusieurs reprises en partant de différents états initiaux de perturbation et en utilisant divers modèles globaux. Ces ensembles constituent la base des prévisions probabilistes de l’état du climat.

Les MCGAO globaux sont très complexes et nécessitent d’énormes moyens informatiques. On a donc fréquemment recours à des modèles plus simples pour étudier de façon approfondie différents scénarios d’émissions de gaz à effet de serre ou les effets de diverses hypothèses ou approximations concernant les paramètres du modèle. Ces simplifications peuvent consister en un pouvoir de résolution plus faible ou en une dynamique et des processus physiques simplifiés. Les modèles simples, intermédiaires et globaux forment ensemble une «hiérarchie de modèles climatiques», qui sont tous nécessaires pour l’étude des choix en matière de paramétrage et l’évaluation de l’ampleur des changements climatiques.



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